Feuilles

Cimetière solitaire

Des plis comme une robe de terre
Et une traîne qui s’étire dans des flous soyeux.
La motte est noire profonde et moirée
avec des grains de calcaire comme du gros sel.
Sur un ourlet au plus gras de cette glèbe
un petit cimetière gît solitaire et moussu.

Tout autour des tournesols flamboient et le couronnent.
Ils clapotent mollement sous la brise
et leur doux parfum dans le vent
corrompt l’odeur putride des fleurs fanées.
Le soir épuisés par le soleil qu’ils plagient
ils courbent leurs lourds capitules appesantis
puis prennent cet air de triste componction.

Un cyprès funèbre
deux trois arbres squelettiques
comme des cheveux ébouriffés
lui tombent en broussailles
sur le front de son muret.
Certains matins d’hiver
des fantômes de brume
errant sur la vaste étendue
s’y déchirent en de douloureux silences.

Le fût d’un moulin en ruine
le voisine sur sa petite hauteur.
Il y a belle lurette que ses ailes sont envolées.
Sous sa barbe de lierre désormais
on n’y minote plus qu’une farine de lune.

La petite église est plus loin
navire de pierre sur les vagues de terre.
Ses voiles déchirées aux prières éteintes
elle dérive emportée par les courants du temps.
Il arrive encore que l’on oie à son clocher
la voix éraillée d’une cloche fêlée
mais on ne sait pas au juste
si c’est le vent porteur d’un souvenir envolé
ou le spectre d’une messe essoufflée.

Ce n’est pas un lieu de désolation
d’abandon ou de mort
ce sont les pages du temps qui s’effacent
sur le palimpseste des guérets.
Le vieux cimetière fait toujours son gras
sur son ourlet de terre.
Oh !
il n’y dévore plus grande chair
mais parfois un mort passe
et lui tend son os.

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